dimanche 31 mai 2020

Habitude.





Je peux compter les garçons que j'ai aimés sur une main, même moins.

J'ai besoin de deux mains et demies pour compter ceux dont j'ai aimé le corps.
Je peux compter ceux qui avaient des tatouages, ceux qui mesuraient 1m83, ceux qui m'ont brisé le coeur, ceux qui fumaient, ceux qui sont revenus plusieurs fois voir ce qu'il y a entre mes cuisses, ceux qui en aimaient une autre.
Je peux me souvenir de tout ce qui m'a menée à tomber amoureuse et tout ce que j'ai fait dans ces périodes. Et je peux me souvenir, très bien, de cette petite lourdeur dans l'estomac qui grandit et qui chuchote "y'a un problème".


Parce que ce dont j'ai l'habitude, c'est qu'au bout d'un moment, au tournant, ils s'éloignent. Subtilement, je les dépasse, sans m'en rendre compte. Et eux ils restent au tournant, parce qu'il y avait une autre route que j'avais pas vue. Ce dont j'ai l'habitude c'est que doucement j'ai plus trop de nouvelles. C'est plutôt moi qui viens et on me répond de plus en plus à demi mot. Et puis je persiste quand même parce que je suis pas prête pour les mots que je veux pas entendre. Mais mon impatience a raison de moi et un jour je leur envoie un message qui commence généralement par "Dis, *prénom*. J'ai l'impression que..." Et bam. Uppercut prémédité.


Et donc là, même si je suis pas encore sûre des sentiments qui sont en train de se construire en moi,  je suis en train de scruter le virage, je l'attends, il va arriver, il arrive toujours d'habitude, et j'attends la lassitude de sa part, parce qu'elle arrive toujours d'habitude, et je réfléchis déjà au "Dis, * prénom *. J'ai l'impression que..." qui va suivre.
Mais faut pas toujours faire comme d'habitude, hein?


UPDATE DU LENDEMAIN:

C'est pas comme d'habitude parce que j'ai vu le tournant, je me suis arrêtée, j'ai été vers lui, je lui ai montré le tournant et je lui ai dit ce que je veux pas. Lui m'a dit ce qu'il veut pas non plus. Nos envies de coïncident pas
 J'ai l'estomac léger. Lui il va par là. Moi je vais là bas. Je me demande ce qu'il y a là bas ça a l'air joli. J'ai hâte. Mais je me presse pas.

dimanche 17 mai 2020

"Et maintenant on fait quoi?"

Il m'a regardée d'un air entendu, a dit "Bon.", a fait quelques pas, s'est approché de moi, et on s'est embrassés.

Et là mon cerveau me demande ce qu'on fait. J'ai très sérieusement envisagé l'auto-sabotage: si je mets fin au truc avant que ça n'escalade et que je me casse la gueule, au moins la décision vient de moi.

Bien évidemment c'était une idée de merde que je n'ai pas mise en application. Est-ce que j'ai envie de le revoir? Oui. Est ce que j'ai envie de plus? Je commence à sentir une idée germer. Est ce que ça va se casser la gueule? J'en ai aucune putain d'idée. Est-ce que même si ça en reste là, c'était pas une putain de bonne surprise de la part de l'Univers? Oui.


dimanche 10 mai 2020

1m50

Un mètre cinquante. Un mètre cinquante c'est 19 centimètres de moins que moi. C'est un chiffre absurde qui me percute comme une massue dont j'ai sous-estimé la douleur.
Aujourd'hui la meuf qui aime pas faire la bise et qui aime pas les câlins voulait prendre sa mère dans ses bras.
Mais.
Un mètre cinquante.
Ça fait deux mois que j'ai pas vu ma petite soeur.
Un mètre cinquante.
Les bêtises des enfants au taff me manquent. Le bruit de la ville abruptement muet m'effraie un peu. Les gens sans masque. Les gens avec masque. Lui parler sans le voir. L'idée de le voir. L'été qui pointait à l'horizon et qui s'est déjà barré laissant place au vent. Les concerts ratés. Mon futur déménagement en points de suspension. Les minuscules et grandes avancées.
Un mètre cinquante.
Dix neuf centimètres au-dessus de ce qui m'éloigne de tout.

lundi 4 mai 2020

Future starts now

Seule sans vraiment l'être dans mon lit vendredi soir, on prend pas les mêmes et on recommence pas. En dansant les stores grand ouverts sur la nuit dans mon petit chez moi, j'ai retrouvé ma formule magique et toutes les possibilités déroulées au loin devant moi. Pas de plan a pas de plan b, que du possible. Il y aura toujours quelque chose pour moi quelque part, à n'importe quel instant de la journée. Une musique, un fou rire, une étincelle dans le ventre, un mot, un nuage. Et la petite décharge de nervosité qui se balade dans mon corps se transformera au gré de ce qui est bon pour moi, quand il sera temps. C'est pas à moi de décider maintenant. Booba dit que la carapace est intacte, le coeur accidenté, mais elle est partie à la poubelle la carapace, elle se décompose quelque part dans une forêt ou au bord de l'eau, elle retourne confondre ses atomes avec d'autres loin de mon esprit qui l'a créée. Et le coeur? Le coeur va bien, il rugit, il hurle de joie, il chante des chansons et il danse danse- danse danse- danse danse. Il a compris maintenant je crois, pour du vrai, que le triste sera magnifique parfois et le beau tout aussi terrible, et que c'est rien, qu'il reste entier, que personne ne va le briser, parce qu'il est mou, élastique, il fond, reprend forme. Il sait quand il a pas envie de se faire mordre et il sait aussi quand il a besoin d'apprendre encore. Et je suis là dans les limbes mais je n'ai plus peur. J'y ai été tellement de fois, je me suis déjà retournée trop de fois pour voir si on me suivait et Hadès a repris ce qu'il voulait reprendre, des gens, des projets, pour les recracher à la vie mais de l'autre côté de mon chemin à moi. J'ai rarement atterri où je pensais me retrouver mais putain quel magnifique chemin. Le chemin effacé par les orages, le chemin bloqué sans aucune autre issue, le chemin fluide, le chemin sinueux, le chemin qui fait demi-tour, le chemin où il a fait nuit pendant des jours, le chemin qui danse aussi.