dimanche 21 juillet 2019

Au cas où.





Je sais plus combien de fois je me suis dit peut-être me trouver à un moment clé sentimentalement parlant. Je pense me l'être dit des dizaines de fois, de l'ordre de quelques jours, quelques heures, quelques minutes. 
Mais les sentiments se sont nichés dans mon estomac, tissant leur toile jusqu'au bout de mes doigts trois fois exactement. Et là je sens la quatrième toile se tricoter en douceur, comme pour ne pas vouloir trop faire peur.

Et mon cerveau regarde sept ans en arrière, joue à l'enquêteur, essaie de faire coller ensemble des bribes de souvenir. Une parole dite à une fête, un clin d'oeil, une main dans le dos. Il rejoue des moments annonciateurs de ce qui à l'époque m'aurait laissée muette de surprise.

J'écoute les mêmes musiques que j'écoutais à seize ans lors du tissage de la toute première toile. Comme si peut-être celle ci allait être la dernière nouvelle toile. Comme si cette toile ci allait aussi s'effilocher à la fin de l'été, dix ans après. Au cas où.

Alors je regarde dans mon coffre à trésors de coeur brisé au cas où une nouvelle fêlure vienne s'y ajouter, juste pour être sûre, juste au cas où. Je regarde les reliques des fois où j'ai cru jamais m'en remettre.
Au cas où tout ceci soit une leçon sur le timing. Au cas où tout ceci soit une leçon sur moi-même. Au cas où tout ceci était un petit bonheur éphémère. Au cas où la chaleur s'en aille et prenne avec elle ses baisers.
Au cas où.

samedi 13 juillet 2019

En code morse.

Mes lèvres salées par la mer et la chaleur ont croqué dans un abricot qui a dégouliné sur mon bras et pendant que le filet coulait j'ai réfléchi.
Le sel et le sucre. L'équilibre.

Allongée sur le lit de Lucile, sous l'air du ventilateur je lui ai parlé de l'échelle des bonheurs. Le bonheur fracassant. L'euphorie. Le bonheur comme les vagues.
"Lucile? (...) je crois que je l'aime"
"Tu l'aimes comment?"
"Je l'aime en tant que personne d'abord. Les choses qu'il fait et les choses qu'il dit, même indépendamment de moi. Et je pense qu'il y a autre chose qui arrive."


Les papillons adolescents se sont fait la malle depuis longtemps ils ont pris l'avion pour le bout du monde. Je sens quelque chose couler dans mes veines, quelque chose de serein, quelque chose de naturel, quelque chose qui se fait tout seul. Sans effets secondaires dérangeants, sans trop de parasites dans mon cerveau, ma vie quotidienne continue; les efforts des deux années qui viennent de passer à apprendre que j'ai le droit et le devoir à la fois de me mettre en priorité n'ont pas été faits en vain.

Mais j'entends tous mes atomes parler en code morse entre eux. Ils se passent le mot en espérant qu'il atteigne ma bouche mais je la garde fermée. La mémoire musculaire de mes mains se contracte comme si sa mâchoire était sous mes doigts et parfois si je ferme les yeux le reste de mon corps peut ressentir des effleurements fantôme. Mes yeux se perdent parfois un peu et ils sourient sans même demander l'avis de ma bouche, sans raison apparente.

Toutes les cellules de mon corps sont en train de vrombir, elles se parlent en code morse, mon corps entier rendu électrique par leur langage secret, mon cerveau prudent chuchote ses mantras alarmants habituels de temps à autres mais lui aussi a appris l'équilibre.

Et si un jour le mot arrive sur mes lèvres et qu'il parvient à ses oreilles, je sais que quoiqu'il arrive j'aurai appris encore de quoi écrire des poèmes et faire confiance à l'univers.

Toujours faire confiance à l'univers.