lundi 15 avril 2019

Fille à mecs.

Un jour à quinze ans, alors que je portais mon pull de l'émission jackass pendant une heure de cours, le garçon assis derrière moi m'a interpelée à voix basse.
"Hé Meredith..? T'aimes bien jackass?"
"Oui."
"Et t'aimes bien les jeux vidéos?"
"Oui"
"Mais...t'es un garçon manqué en fait."
Je me souviens de l'admiration dans sa voix et d'avoir noté cette interaction sur mon blog.

Mon enfance et mon adolescence étaient marquées par mon envie d'accentuer mon côté masculin. Parce que les garçons c'est plus cool que les filles. Parce que les filles c'est des putes. Parce que moi jsuis pas une vraie fille. Jsuis mieux. Parce que moi mon papa il m'a appris à pas pleurer. Parce que moi je pleure jamais tu vois. Jsuis pas une vraie fille. Jsuis mieux.

Ma relation avec mon ex a été marquée par mon entrée dans un milieu très masculin, et j'ai endossé à la fois dans cette relation amoureuse et mes amitiés un rôle de mère amie. Une envie de plaire platoniquement, une envie d'être nécessaire à la survie de ces mecs. A leur dire de boire de l'eau. A leur dire de partager leurs émotions. A me plaindre d'eux en roulant des yeux juste pour souligner le fait que moi je suis une des rares filles de la bande. Moi jsuis pas une vraie fille. Jsuis mieux.

Et même après la rupture, quand les jupes se sont faites plus courtes et les conversations plus longues, mon besoin d'être utile, de materner, d'être approuvée se marquait de plus en plus.
"Et moi je suis qui dans la bande?"
"Bah t'es la fille!"
Moi jsuis pas une vraie fille. Jsuis mieux.
Quand la petite amie d'un ami de ma bande qui me rencontrait pour la première fois m'a demandé de qui j'étais la copine j'ai failli recracher ma bière en riant.
Moi j'suis pas la meuf d'un des gars de la bande. Je suis la meuf. Jsuis pas une vraie fille. Jsuis mieux.

Ca m'a mis des mois à cesser d'accorder plus d'importance aux déclarations d'amitié de mes amis garçons que celles de mes amies filles. De cesser de valoriser à ce point tout ce que les garçons de mon entourage me disent de positif. De me détacher de ce rôle de mère amie que personne ne m'a demandé d'endosser. C'est pas parce que je suis utile qu'on m'aime. On m'aime parce que je suis moi.

Moi jsuis une vraie fille. Jsuis moi.

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